jeudi 28 mars 2019

LBD, GLI F4 et cie

Le moment est trop grave pour continuer à détourner le regard, à nier ce qui est devenu une évidence caractérisée, c’est à dire le durcissement progressif d’une répression érigée aujourd’hui comme réponse unilatérale à toute contestation sociale. Bien que cette tentation de la matraque ait toujours circulé dans le sang d’un État français plus ou moins policier en fonction des époques, force est de constater que celle-ci s’est particulièrement durcie ces dernières années, notamment sous le ministère de l’intérieur puis la présidence de Nicolas Sarkozy, qui a ouvert les vannes, suivi de François Hollande et surtout l’ex-premier ministre Manuel Valls, qui a tout fait pour se rapprocher de l’extrême droite par ses mesures et postures, clarifiant aujourd’hui la chose avec la manière.



C’est clair, limpide, aujourd’hui les violences policières deviennent inédites sous Macron/Castaner, comme l’arsenal déployé, des lanceurs de balle de défense (LBD) fabriquées par l'armurier suisse Brügger & Thomet, grenades GLI F4 chargées de TNT produites par Alsetex dans la Sarthe, ou lacrymogènes modifiées pour attaquer nos visages, d’autant plus incapacitantes. Une palette d'armes expérimentée sur les différentes ZAD (NDDL et Bure notamment), lors de Nuit Debout, des manifestations contre la loi Travail et de manière constante dans les quartiers populaires, avant-gardistes en termes de violences policières. A ce jour le journaliste indépendant David Dufresne, appuyé par le collectif « Désarmons-les », a recensé 587 signalements de blessés graves dans le cadre du mouvement des gilets jaunes depuis le 4 décembre 2018. Un chiffre que l’on peut considérer comme une estimation basse, car le ministère de l’intérieur lui-même comptabilise plus de 2000 blessés chez les manifestants, contre environ 1200 dans les effectifs de la police, parfois dus à la maladresse de collègues de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) mal formés, surtout peu éclairés.

Le caractère inédit de ces chiffres interpelle autant en France qu’à l’étranger, sur les moyens employés pour faire régner « l’ordre républicain ». Le bolchevik bien connu Jacques Toubon, défenseur des droits à la LDH, a tiré plusieurs fois le signal d’alarme, tout comme l’ONU, Amnesty International ou le Conseil de l'Europe, sans que l’exécutif français ne bouge le moindre orteil, s’emmurant dans un déni absolu, lui aussi inédit. Y compris des puissances occidentales partageant la même politique économique que le gouvernement Macron/Philippe font état de leur incrédulité face à la démesure du maintien de l’ordre « à la française », alors qu’eux préfèrent pratiquer la « désescalade » plutôt que l’inverse. Ce qui devrait être suffisant pour alerter la masse, mais visiblement pas tant que ça, en tout cas pas autant qu'on pouvait l'imaginer, comme si la répression et les violences policières étaient banalisées, qu’elles étaient presque naturelles dans ce que certains appellent encore une « démocratie » libérale.


En remontant le temps on s’aperçoit en effet que la plèbe française a bien été préparée, en particulier par des médias de moins en moins indépendants, progressivement rachetés par les plus grandes fortunes du pays, utilisés par le pouvoir afin de créer le consentement, l’acceptation de restrictions toujours plus larges des libertés publiques et individuelles (sauf pour les entreprises et les grands patrons). On peut inclure dans le même ordre d’idées la banalisation du FN/RN et de l’idéologie d’extrême droite en général, à travers la succession de lois sécuritaires et liberticides adoptées soit dans la discrétion, soit dans l’indifférence globalisée.

Face à un tel constat difficile de ne pas comprendre la violence de certains manifestants, qu’il s’agisse des black blocks ou de gilets « radicalisés ». Les premiers ont l’habitude d’entreprendre des actions ciblées sur les symboles du capitalisme : banques, vitrines de grands magasins, multinationales, Fouquet’s, etc, entraînant les seconds dans leur sillage, des personnes impliquées dans le mouvement depuis le début, qui n’ont plus rien à perdre et réalisent que la violence, conscientes qu’il ne s’agit certainement pas de la stratégie idéale, est pour le moment le seul moyen de faire ne cesse que frémir un pouvoir en bout de course, déterminé à appliquer sa feuille de route mortifère, à conserver voire renforcer sa domination. Et on peut le craindre, tant qu’il n’y aura pas de contestation massive mobilisant des millions d’individus, la violence restera le seul moyen de se faire entendre un minimum, bien qu’elle soit systématiquement instrumentalisée pour étouffer la révolte. En plus d’une répression policière, politique et judiciaire absurde, validée par l’adoption de lois scélérates telles que la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui transposait les dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun, la loi relative à la protection du secret des affaires, les lois dites « fake news », « anti-casseurs » et d’autres votées par les précédents gouvernements depuis le mandat de Nicolas Sarkozy.


L’état d’urgence puisqu’on l’évoque, décrété par François Hollande après les attentats du 13 novembre 2015, malgré son apparente nécessité, a non seulement alimenté l'islamophobie, mais a également fait figure d’aubaine pour mater tout contestation à la politique en vigueur, dépassant largement son caractère antiterroriste. On en a l'éclatante confirmation aujourd’hui, et on a plus qu’à espérer que la partie « endormie » du peuple se soulève concrètement pour contribuer à renverser ce régime capitaliste autoritaire, prêt à basculer à tout instant dans le totalitarisme pour se maintenir. Qu’on puisse enfin s'occuper sans freins et en profondeur des urgences climatiques et sociales, à l’échelle aussi bien nationale que planétaire.


Liens : Communiqué commun : CGT, Ligue des droits de l’Homme, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des avocats de France, Union nationale des étudiants de France, Union nationale lycéenne

Un membre du collectif « Désarmons-les » arrêté avant les rassemblements du week-end

vendredi 8 septembre 2017

Rapport non consenti et fin du monde envisagée

Dernièrement Télérama a recueilli les témoignages de plusieurs femmes ayant été harcelées, agressées sexuellement voire violées lors de grands festivals tels que Solidays, Les Vieilles Charrues ou le Hellfest. Témoignages accablants qui semblent pointer, au-delà du caractère vomitif de ces comportements, un malaise large et profondément ancré dans la société occidentale, ne se réduisant pas seulement au sexisme ou à la misogynie, mais allant de paire avec le racisme, l'homophobie, la xénophobie, et toute forme de peur ou d'exclusion de l'autre.

On peut supposer que l'impression de constater toujours plus de cas est due aux réseaux sociaux qui ont un effet grossissant de ces comportements, que ça a toujours existé. C'est vrai, car le rapport de domination, qu'il s'agisse des hommes sur les femmes ou des patrons sur les salariés, persiste en toile de fond, malgré quelques avancées extrêmement fragiles. Les réseaux sociaux ne font que mettre en lumière cet héritage sociologique de notre histoire judéo-chrétienne, tout en fournissant à coté une tribune facile aux intégristes, religieux ou non, qui prônent une forme d'obscurantisme renforçant cette toile et la maintiennent dans l'actualité. Les esprits les moins alertes, les moins informés ou les plus jeunes reçoivent ce flux de signaux et finissent par en reproduire les mots ou les gestes. On doit aussi prendre en compte la manière dont la société fonctionne en occident, le fait que nos peuples soient encadrés depuis une cinquantaine d'années par une politique qui n'a que l'argent et la réussite individuelle comme objectifs, aujourd'hui décomplexée, "ni de droite ni de gauche". Une politique de la régression qui ignore les rapports de domination ou de subordination, pour mieux asservir les masses comme on le faisait au XIXème siècle. Le capitalisme extrême, le libéralisme actuel cher à Margaret Thatcher (« There is no alternative »), Ronald Reagan ou notre charmant président est le point névralgique, l'explication sociologique centrale de la société occidentale contemporaine.

Cette politique augmente les temps de travail, diminue de fait le temps libre donc le temps de réflexion. Elle creuse les inégalités en détruisant peu à peu les avancées sociales, elle renforce les divisions en agitant ses épouvantails (terrorisme/fascisme, les deux mamelles de la peur), qu'elle entretient afin d’asseoir sa légitimité « démocratique », elle n'hésite pas non plus à abuser de la répression et de la désinformation pour bien faire comprendre que non, décidément, il n'y a pas d'alternative. L'Amérique latine en paye les frais lorsqu'un de ses pays ose la redistribution des richesses, d'autant plus si le pays en question possède d'énormes ressources pétrolières. "On ne peut pas faire mieux que le capitalisme, c'est comme ça, mange ton Big Mac et ferme-la."

La fin de règne est en cours mais elle s'éternise car les cols blancs s'accrochent, abusent de leur pouvoir et sont prêts à tout pour préserver – et même accroître – leurs privilèges. Les excès jusqu’au-boutiste du régime (les boites du gabarit de Facebook et Google incluses) sont peut-être ce qui explique cette généralisation des comportements à la con. Une société malade, uniformisée, n'est naturellement pas bonne pour la santé mentale. Le seul remède qui apparaît finalement comme une évidence serait de basculer dans une société humaniste, en paix au moins relative avec son environnement, réellement et concrètement démocratique, apprenant à ne pas reproduire les mêmes saloperies, dont les bases seraient la culture et l'éducation... Mais pour y accéder encore faut-il récolter suffisamment d'ingrédients, rassembler la majorité des esprits. Avant que la planète ne fasse surchauffer l'écosystème et nous coupe légitimement l'herbe sous le pied.

jeudi 4 mai 2017

Point de vue sur l'état actuel des choses

Alors voilà, on y est, l'hystérie collective est à son paroxysme, les invectives et culpabilisations plus ou moins subtiles fusent de toutes parts sur un choix censé être libre et avant tout secret, effectué par chacun-e en son âme et conscience. On se fiche bien de ces considérations pourtant élémentaires dans un monde où le sensationnalisme est roi, où la culture du « buzz » est ancrée dans les mœurs. On ne se préoccupe plus de comprendre – ou simplement d'essayer – le fond d'un problème généralisé, qui ne se limite pas à nos petites personnes ni à celles que l'on estime « providentielles », celles que l'on érige en élites des nations pour guider nos pas, infantilisés, titubant vers des horizons toujours plus sombres et dangereusement mortifères pour l'intégrité humaine, planétaire.

Loin de moi l'idée de vouloir donner des leçons, chaque personne devrait aujourd'hui être capable de raisonner, de se questionner sans influences externes, de contribuer à son niveau à l'intelligence collective (en opposition à l'hystérie donc). Les gens qui s'estiment conscients devraient naturellement avoir les capacités de réaliser qu'ils se font balader depuis des décennies, par les instances politiques s'échangeant un pouvoir qui devrait être nôtre, ou par des médias gonflés aux stéroïdes abrutissants fournis par une infime partie de la population, celle qui accapare les richesses de ce monde en se gaussant, se délectant, sans prendre la peine de se cacher désormais, de nos vaines et tristes querelles.

Et si les gens conscients arrêtaient d'entretenir précisément ce qui les soumet ? S'ils arrêtaient une bonne fois pour toutes d'engraisser malgré eux cette machine exponentiellement écrasante, avilissante ? Car c'est bien là que s'illustrent nos luttes perpétuelles, qu'elles soient physiques ou intellectuelles, violentes ou non. L'idée conductrice étant de refuser la division d'une chose que chaque être humain a pourtant en commun, l'idée que nous devons conserver à tout prix notre empathie, notre amour de nos semblables, y compris ceux qui ne réalisent pas encore qu'ils sont aussi doués de cette caractéristique, et de la rendre incontournable, essentielle, pour ne pas sombrer définitivement dans un chaos irréversible. Dans cette optique le fatalisme et le cynisme, induites et souhaitées par nos élites, ne sont pas une option, l'humanité a trop d'intelligence inexploitée pour céder avec dédain à cette facilité.

Il est temps. Il est temps de profiter de cette occasion qui nous est offerte par une fin de règne dont l'odeur et le goût nous encombrent plus que jamais. Il est temps de ne plus se complaire dans la peur et de remettre en fonction nos capacités cérébrales plus ou moins inexplorées. Il est temps de renverser un monde qui refuse l'éveil des consciences. Il est temps de déconstruire la fabrique du consentement et de s'approprier nos vies, de s'harmoniser enfin avec une Nature qui subit autant que nous les affres d'un monde d'argent globalisé, créateur de misère physique et intellectuelle, de souffrance et de mort.

La manœuvre s'inscrira dans le temps long mais n'est pas si périlleuse, il suffirait pour commencer d'harmoniser nos consciences et nos actes, de montrer avec clarté notre détermination à nous unir autour d'un objectif commun, un objectif qui nous élèveraient toutes et tous individuellement au-delà de nos intérêts personnels, peu importe nos conditions matérielles ou politiques, vers une émancipation totale nous permettant de réaliser le pouvoir que nous avons en tant qu'êtres humains adultes, enfin.

« Ils ont des millions, nous sommes des millions ». Pour une révolution permanente, ouverte, et définitivement consciente. Le chemin est déjà tracé par notre histoire ancienne ou récente, à nous de l'emprunter, dans le bon sens cette fois.


Au sujet de la Fabrique du Consentement : https://www.youtube.com/watch?v=asuph7xJy1Q ou pour aller plus loin, lire le livre du même nom par Edward Herman, Edward Saïd et Noam Chomsky.

Et d'autres développements avec la plume délicieuse de Frédéric Lordon (oui, encore) et son dernier article : https://blog.mondediplo.net/2017-05-03-De-la-prise-d-otages

jeudi 20 avril 2017

Message d'intérêt général

Alors voilà, ce n'est pas un secret (en tout cas pour ceux qui me connaissent), je voterai pour Jean-Luc Mélenchon aux deux tours des élections présidentielles 2017, même si sa personne n'est pas présente au second. J'écris bien sa « personne » avec des guillemets car il ne s'agit pas de « personne » mais d'idées avant tout, d'un programme conçu de longue haleine par des milliers de contributeurs de la société civile. Ce qui constitue le socle de ce programme était déjà là en 2012, à savoir l'Assemblée Constituante et la 6ème République. Une matière intelligente, composée de multitudes de réflexions et de propositions autour d'une volonté profonde d'ouvrir le champ des possibles, pour l'intérêt général humain, pacifique et internationaliste.

Fut-un temps où, comme beaucoup d'entre vous, j'étais méfiant, j'observais, j'écoutais d'une oreille incertaine ce que la personne de JLM proposait, préférant ne pas voter, si ce n'est pour le NPA. Après tant de désillusions, de trahisons idéologiques, de pourrissement méthodique de l'un des seuls droits démocratiques qu'il nous reste, par des médias et instituts de sondages dominants acquis aux grandes fortunes, par des personnes plus intéressées par leur carrière ou leur image qu'un véritable désir de changer, voire de bouleverser le cours des choses, la confiance et l'espoir ont naturellement disparu... Seulement si l'on décide de gratter ne serait-ce qu'un peu cette couche de pus appliquée avec soin depuis tant d'années pour nous détourner de l'essentiel, si l'on décide de s'emparer de la politique au sens noble du terme, de s'emparer de ce qui nous appartient en premier lieu, on s'aperçoit que le chemin n'est pas si tortueux qu'on veut nous le faire croire. Oui, la route peut être longue mais le fond, les idées sont clarifiées, jusqu'à se montrer d'une évidence naturelle.

Le cynisme mortifère qui englobe le monde actuellement, écrasant toute forme d'empathie, n'est pas une fatalité, l'occasion est trop belle pour s'abandonner à la résignation, à la haine, à la misère sous toutes ses formes ou au chagrin. Après tant d'années, après tant de luttes plus ou moins vaines nous avons enfin l'opportunité d'ouvrir la démocratie et de la faire notre, de la remettre à sa place, de décider réellement de notre avenir commun. Le chemin sera forcément semé d'embûches, personne n'affirme que cela sera facile, mais ce qui peut aboutir sera salutaire pour toute l'humanité, et par extension pour notre écosystème. Car nous sommes tous concernés, que l'on se positionne à droite, à gauche, prolos, bourgeois, classe moyenne, etc, nous vivons tous dans le même monde, et une planète qui ne se préoccupe pas de nos considérations idéologiques. C'est bien l'intérêt général humain qui est en jeu, donc notre survie.

Je m'adresse ici en particulier aux abstentionnistes, à ceux qui envisagent le vote blanc (comptabilisé dans le programme que je soutiens), aux gauchistes résignés et anarchistes farouches qui réfutent - à raison - cette manière de désigner tel ou telle femme/homme providentiel, n'offrant aucune garantie pour le futur de chacun-e. Seulement il n'est pas question ici d'attendre ou de suivre béatement tel ou telle personne pour régler tous nos problèmes. Il s'agit concrètement de nous responsabiliser, de (re)prendre enfin le contrôle de nos vies, d'éveiller nos consciences, de réfléchir, de penser par nous-mêmes, de discuter et d'aller au bout de notre raisonnement.

C'est du sérieux. Si on ne se mobilise pas maintenant, si nous continuons ostensiblement à détourner le regard, je ne donne pas cher de notre survie à long terme. Je ne veux pas faire de prosélytisme, il n'y a pas de vérité absolue, je souhaite seulement une prise de conscience générale, une réflexion de chacun-e d'entre nous sur ce que l'on veut vraiment, pour le bien de tous. En attendant je vous invite à vous renseigner au maximum, autant que possible, pour ne rien laisser au hasard. Le combat continuera quoi qu'il advienne, même dans la douleur la plus forte.

Merci de m'avoir lu, et cœur sur vous.



Lien vers de la nourriture pour l'esprit, par Frédéric Lordon : http://blog.mondediplo.net/2017-04-19-Les-fenetres-de-l-histoire

jeudi 23 mars 2017

Une Marche pour la Paix

18 mars 2017


02:30 AM : Le réveil sonne une fois, il sonne deux fois, trois fois...

02:50 AM : Je m'extirpe enfin péniblement de mon lit, me prépare un café pendant une douche express, bois mon café en quatrième vitesse, saute dans mon manteau et cours rejoindre le camarade prêt à m'emmener au départ des cars Insoumis de Loire-Atlantique. Précision : j'ai pu profiter du voyage grâce au désistement d'un insoumis qui m'a gracieusement offert sa place, et que je remercie encore chaleureusement.

04:30 AM : Horaire de départ d'origine des cars, nous ne partirons finalement qu'aux alentours de 5 heures du matin. Un retard qui s'explique par les nombreux Insoumis qui attendent qu'on leur indique le car auquel ils sont affiliés, en fonction des différents groupes d'appui qui parsèment l'ensemble du département. Le notre sera le car n°104, de marque Pineau, "ouf, c'est pas un car Macron !" s'exclameront certains. L'ambiance est chaleureuse, tout le monde commence déjà à discuter sans nécessairement se connaître. Une vision plutôt réjouissante.

Une fois placés dans le car, chacun et chacune rattrape (ou tente de rattraper) sa courte nuit, ça me rappelle certains voyages scolaires, sauf qu'ici la moyenne d'âge est bien plus élevée. Autant dire qu'il y a un bagage de luttes et d'actions politiques assez conséquent, et la plupart des conversations que j'ai pu avoir durant cette journée auront été synonymes d'enrichissement intellectuel et humain.

Au réveil on nous distribue des paroles retravaillées à la sauce "Insoumise" de chansons populaires, de Georges Moustaki à Edith Piaf en passant par Zebda, certaines interprétations au micro laissent à désirer mais on s'en fout, tout le monde se marre, se vanne, la joie et l'euphorie prédominent.

10:30 AM : Arrivée tant bien que mal sur Paris, des policiers en moto nous escortent et nous font faire un bon détour pour atteindre la place de la Bastille, où nous attendent le reste des Insoumis-e-s, venant de toute la France, et les locaux, ceux qui ont trimé une partie de la nuit et de la matinée pour organiser l’événement et nous accueillir dans les meilleures conditions. Quelques-uns passent avec badges, autocollants, tracts à distribuer, vendent également des programmes de "L'Avenir en Commun" à 3€ pièce, le tout dans une ambiance bon enfant, propice aux discussions plus ou moins enflammées, une constante lors des 24 heures de cette journée pas comme les autres. Les bars de la place sont évidemment pris d'assaut par les Insoumis-e-s, histoire de se sustenter, de boire un coup tout en conversant entre nous, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Face à nous, la sensation d'une démocratie libérée, pleine de partage, de convictions, et d'une réelle envie d'en découdre avec une Vème République définitivement obsolète.

02:00 PM : Horaire de départ prévu pour le défilé, mais la foule rassemblée à ce moment-là est tellement dense que le programme se verra décalé, Jean-Luc Mélenchon retardant son discours pour qu'un maximum de gens puissent en profiter. La Marche, lente mais déterminée, fut nécessairement agrémentée de musique variée (entre hip-hop, rock, punk-rock, chanson ainsi qu'un étrange orchestre de cuivres sur le parcours), de la présence de "L’Église de la très sainte consommation" et de "Résistance !" éructés à intervalles réguliers. Les gens se regardent et se parlent avec le sourire, heureux de voir une foule aussi concernée.

03:40 PM : Nous voilà bloqués juste à l'entrée d'une place de la République noire de monde, "environ 130 000 personnes" nous indique-t-on. Subjugués par l'ampleur de l'événement, c'est à cet instant que les soutiens de la France Insoumise et de son candidat commencent a s'exprimer, Gérard Miller notamment (auteur d'un excellent documentaire sur JLM) que l'on sentait très ému dans ses mots.
Malheureusement les rafales de vent et la densité de la foule nous empêchaient de distinguer toutes les paroles, y compris celles du candidat insoumis. Pas grave, "on écoutera tranquillement le replay sur Youtube". Les grandes lignes ont tout de même été plus ou moins entendues, ponctuées de "Résistance !" toujours plus forts, par moments supplées par des "Dégagez !" adressés à la caste dominante, tout aussi pertinents. A noter que j'ai été alpagué en plein discours par un UPRiste qui ne disait pas son nom, m'empêchant d'écouter le peu que j'entendais, accusant bien sûr la CIA de tous les maux... Risible. 
(discours de JLM dans son intégralité : https://www.youtube.com/watch?v=b5atq_VZd2M)

06:00 PM : Fin des prises de parole sur la place de la République et début des concerts, mais nos jambes lourdes ont préféré se diriger vers les bars, cafés ou restaurants, pour continuer à tailler le bout de gras dans la satisfaction d'une manifestation réussie, sans aucun heurt avec les CRS (qui se contentaient de bloquer les accès aux bagnoles), chose assez rare pour être soulignée. Il faut préciser encore un fois que l'organisation était exceptionnelle. A titre personnel je n'ai jamais vu autant de monde rassemblé au même endroit, sans qu'il n'y ait aucun problème déclaré.

08:30 PM : Horaire de départ pour le retour en Loire-Atlantique, après de nouvelles et longues conversations avec les camarades communistes ou syndicalistes, où j'ai appris des tas de choses, au sujet de Cuba (l'un d'eux gère l'association France-Cuba), du communisme en général, et de constater une nouvelle fois que nos livres d'histoire fournis à l'école sont loin, très loin d'être exhaustifs, orientant nos gamins vers une idéologie dominante qui ne convient qu'aux puissants. C'est pourtant simple, sans les communistes et les anarchistes, pas d'avancées sociales dans notre pays. C'est bien par leurs combats (notamment lors de la seconde Guerre et à la Commune de Paris en 1871) qu'on peut se targuer aujourd'hui d'avoir l'une des meilleures protection sociale au monde (du moins pour l'instant, et destinée à être supprimée sous le régime libéral actuel). Ceux qui confondent encore communisme et stalinisme n'ont décidément rien compris, ou ne comprennent que ce qui les arrangent. Notons aussi que beaucoup de gens dépolitisés, éminemment déçus par nos gouvernements successifs, étaient partie intégrante du mouvement, des gens qui ont pris conscience de l'urgence écologique absolue entre autres, peu importe leur provenance idéologique.

Bref, cette journée pleine et intense n'empêchera pas certains (ou plutôt certaines) de continuer à chanter dans le car, bloquant le sommeil des autres, mais pas pour longtemps, tout le monde s'évanouissant assez rapidement dans les bras de Morphée malgré l'inconfort des sièges, ronflements à l'appui, rêvant d'une 6ème République enfin effective. Espérons, dès le 7 mai prochain pour tous les dégager. En attendant... Résistance !


dimanche 8 mai 2016

Verdun - The Eternal Drift's Canticles (doom/hardcore/narration) [2016]

On était sans nouvelles concrètes de Verdun depuis 2012 et son premier EP post-apocalyptique The Cosmic Escape of Admiral Masuka, un obus doom/sludge hardcore psyché qui narrait les pérégrinations nébuleuses d’un amiral Japonais cherchant à s’extirper du marasme nucléaire qu’était devenue la Terre. Il aura fallu quatre longues années aux Montpelliérains pour donner suite à cette histoire (couchée par l’ex-chanteur, aussi responsable des artworks), dont la bande son du chapitre précédent nous avait déjà convenablement refait le portrait, sans parler des concerts épiques idoines. Mais ça y est, il est là, il est palpable The Eternal Drift’s Canticles, le premier album véritable, la continuité, et peut-être même la concrétisation de sirupeuses intentions.

La transition entre JAXA, dernier morceau du EP, et Mankind Seppuku inaugurant l’objet à base d’orgue malade, transpire d’ailleurs l’évidence. Notre amiral nippon est désormais une âme errante au milieu d’un univers moins radioactif mais d’autant plus hostile par son abstraction, par ses contours infinis. Masuka lâche ponctuellement quelques phrases dans sa langue natale, se parle à lui-même et sombre dans une folie introspective magistralement mise en musique par Verdun. Le contexte n’est plus terrien, il ne s’agit plus d’échapper à une mort certaine, mais plutôt d’accepter l’inéluctable, dans l’expression d’une dérive éternelle et solitaire.

Alors que l’aspect narratif occupait déjà une place prépondérante sur l'EP, il franchit ici un palier, accentue l’immersion de l’auditeur au cœur du néant, jusqu’à nous introduire dans l’esprit de son unique personnage, gangréné par le passé, le désespoir et quelques hallucinations sournoises (Self-Inflicted Mutalitation). L’atmosphère générale est sensiblement moins torturée, se fait d’une certaine manière plus sereine, à travers une voix alternant éructations douloureuses et clarté quasi-mystique, comme pour signifier les instants de contemplation et/ou l’absolue détresse d’un Masuka en lutte perpétuelle contre ses propres démons, en plus de l’immense inconnue qui l’entoure et le traque même au fond de ses entrailles (Dark Matter Crisis, Glowing Shadows). Bien sûr, la lourdeur abyssale de la section rythmique et les circonvolutions de guitares monstrueusement massives sachant néanmoins tailler de la mélodie moribonde dans cette épaisse couche de gras, accompagnent la progression de l’amiral jusqu’aux tréfonds du système solaire (Jupiter’s Coven), laissant l’horizon ouvert pour un Masuka qui – espérons-le – n’a pas fini d’en chier.

Verdun précise et optimise sa musique autant que son récit, intrinsèquement liés (sans omettre un visuel somptueux encore une fois), et nous implique de fait totalement au sein d’un voyage sans retour, imprégné de solitude et de violence spirituelle. The Eternal Drift’s Canticles apparaît comme le début de l’accomplissement d’une quête sans fin. Le genre d’album qui ne peut s’apprécier qu’entièrement, et pourquoi pas y ajouter l’EP au préalable. Ne reste plus qu’à rouvrir nos plaies béantes en direct.

Disponible à l'infini sur Bandcamp.


  

Tracklist :
  1. Mankind Seppuku 
  2. Self Inflicted Mutalitation
  3. Dark Matter Crisis
  4. Glowing Shadows
  5. Jupiter's Coven

vendredi 8 avril 2016

Quartier Rouge - Nouvelle Vague (noise hardcore décédé) [2012]

Nouvelle Vague, nouvelle époque, nouvelles aspirations… Mais la matière première demeure inchangée pour Quartier Rouge, soit un noise-(punk)hardcore animal et nauséeux au caractère rock n’ roll très affirmé. Les parisiens exposent toujours fièrement leurs boyaux, avec finesse et douceur cette fois-ci ("nous nous aimons tous [...]"), non sans ironie.

Ça débute à la manière d’un attentat en plein marathon, sans préavis. Du bruit, du sang Dans Leurs Draps et de la confusion. Le genre d’évènement tragique qui pousse l’Homme à faire acte de solidarité auprès de son prochain, un "mal pour un bien" quelque part, bien que l’idéal soit un "bien pour un bien". Voilà une tendance récurrente dans l’histoire de l’humanité ; réagir à contretemps et ne pas tirer de leçons du passé. C’est ce que m’inspire la seconde livraison de Quartier Rouge, transpirant un certain nihilisme joyeux, diluant quelques incursions électroniques décisives pour définir l’ambiance étrange et percutante du disque. Onlooker et Chef d’Escadrille – les 2 seuls titres dépassant allègrement les deux minutes – sont là pour développer un propos joliment brouillon, pertinent et habité alors que le reste expédie de la mandale grinçante et malfaisante à tour de bras. Un peu moins lourde et agressive que celle des Années Lumières, la période Nouvelle Vague explore une forme de psychédélisme originale par son apport électronique notamment, et la voix un poil plus en avant, toujours incroyable de maîtrise funambule. La production est de ce fait plus aérée, parvenant tout de même à donner davantage de relief au trio guitare/basse/batterie, symbiotique, étourdissant.

Un disque moins virulent donc, mais suffisamment dérangé, original et vicelard pour hypnotiser l’auditeur et lui grignoter la cervelle à son insu le long de cette (trop) petite vingtaine de minutes. Usant de sonorités synthétiques pernicieuses en guise de GHB auditif, afin d'agresser sexuellement nos convictions profondes, dans la joie et la bonne humeur.

En écoute totale sur Bandcamp.


Tracklist :
  1. Dans Leurs Draps
  2. Love's Hope In The Jim Beam Eyes
  3. Rodeo A Gogo
  4. Onlooker
  5. Piece Of Art
  6. Friend Sheep
  7. Chef d'Escadrille