mardi 29 octobre 2013

Black Sabbath - 13 (heavy-metal legends) [2013]

Le cultissime groupe qui a influencé de près comme de loin plusieurs générations de musiciens est de retour, pour de bonnes ou mauvaises raisons (pécuniaires ?). LE groupe qui a donné vie à divers courants de lourdeur plus ou moins possédés qu’on nomme stoner, doom, sludge ou plus classiquement heavy metal, le groupe sans lequel le metal - justement - tel qu’on le connaît aujourd’hui ne serait rien. On ne va pas refaire l’histoire, il y a d’excellentes biographies à lire ou à relire pour ça (cf : "La Bête Venue de Birmingham" de Guillaume Roos par ex.). Le fait est que Black Sab' est bien vivant, évidemment amputé de deux membres essentiels (Ronnie James "RIP" Dio et Bill Ward), mais un certain Brad Wilk (RATM) est venu à la rescousse derrière les fûts - bien qu’il n’ait pas le feeling jazzy de Ward - soutenir les éternels Ozzy, Tony Iommi et Geezer Butler.

13 n’est pas le titre d’album le plus inspiré mais il a le mérite d’être cohérent avec son année de sortie, tout comme sa pochette exhibant le nombre maudit enflammé comme le clou d’un spectacle rituel obscur. Les 34 ans d’inactivité créatrice de ce line-up ne laissaient rien supposer de glorieux pour ce nouveau disque. On s’attendait même à une auto-parodie. En fait, ce 13 est plutôt une agréable surprise, passé deux ou trois écoutes partisanes du contre. On retrouve le Black Sab' qui nous avait laissé avec Never Say Die. Les morceaux sont d’une longueur assez élevée, parfois un peu trop, mais on se surprend à revenir dessus, le sens de la mélodie facile étant toujours d'actualité, bien que la plupart des compos manquent d’innovation par leurs alignements de riffs vus et revus. Bien sûr, on reste en terrain archi connu, Black Sabbath préfère rester sur ses acquis, et c’est plutôt une bonne chose malgré les multiples défauts qui parsèment cette galette. 


Heureusement, papa Rubin (Slayer, SOAD, RHCP, etc) veille aux manettes et redonne une seconde jeunesse au son des vieux briscards. De ce fait, End Of The Beginning ouvre puissamment l’objet par un riff massif et lancinant, et l’on (re) découvre un Prince des ténèbres assez en forme, dont le grain de voix ne semble pas avoir bougé depuis les seventies. Les soli de Iommi rugissent comme en quarante et ne servent jamais dans la démonstration crasse. La basse de Butler use de tout son espace pour exprimer la lourdeur nécessaire aux anglais. God Is Dead? confirme cette entrée en matière rassurante malgré un refrain agaçant. Iommi est alors en feu et répand tout son savoir-faire, bien aidé par le groove reconnaissable de Milk. Ce qui vient ensuite navigue entre le meilleur et le pire de Black Sabbath. Quasiment chaque titre contient son lot de réjouissances et de déceptions. La ballade de rigueur est bien présente (Zeitgeist), plutôt inspirée mais trop peu aventureuse pour être réellement intéressante. Age Of Reason montre de beaux plans rythmiques mais se fourvoie également dans le refrain niaiseux à outrance. Damaged Soul rehausse drastiquement le ton qualitatif par son harmonica joliment implanté et l’ambiance épique qui s’en dégage, un des seuls morceaux entièrement emballant. Enfin, Dear Father caresse les oreilles dans le sens du lobe sur sa première moitié, sans bousculer la mécanique hyper huilée, attaquée plus loin par la rouille, due certainement à un excès de confort musical.

Le trio de Birmingham (+ Brad Wilk), bien moins moribond et pathétique qu’on ne le pensait, a encore des atouts intéressants à faire valoir, privilégiant avec 13 un retour à la période 70/80 non négligeable. On demeure globalement dans le classique, et c’est bien là le point fort de cet album. Le reste pouvant parfois s’apparenter à un manque d’inspiration flagrant, ou bien une manière de s’attirer un succès radiophonique perdu. On attend de voir ça en concert pour le mythe, malgré tout.

13 disponible sur spotify.


Tracklist :
  1. End Of The Beginning
  2. God Is Dead?
  3. Loner
  4. Zeitgeist
  5. Age Of Reason
  6. Live Forever
  7. Damaged Soul
  8. Dear Father

lundi 28 octobre 2013

Ephel Duath - Through My Dog's Eyes (jazzcore/blues-rock/black-metal) [2009]

Quel chemin parcouru par les italiens, de leurs débuts black/jazz au jazzcore débridé de Pain Necessary To Know. Un groupe peut-être instable mais résolument incontournable et passionnant à bien des niveaux, qui a commencé à régulariser ses sorties à partir de 2009 et  ce Through My Dog’s Eyes, concept-album écrit du point de vue d’un chien, dans sa relation avec son maître notamment. Un disque inspiré par le propre canidé de Davide Tiso (guitariste et pilier fondateur d’ED), en l’occurrence.

Un regard de chien pas forcément battu qui fait dénoter sensiblement la musique d’Ephel Duath de ses précédentes tueries. Une nette touche de blues s'exprime dès Gift, par des mouvements de slide vicieux et plutôt grisants, la voix est souvent grave (sporadiquement claire et hallucinée), relativement monocorde, parfois parlée, parfois légèrement pénible et redondante (Silent Door), peut-être pour traduire le caractère casse-burnes des chiens. Mais l’on reconnaît sans mal ce qui fait la majesté du trio, ces envolées mélodiques imprévisibles et pénétrantes, cette batterie jazz tentaculaire, et ce grain hardcore qui fait dresser les poils aux moments opportuns (Promenade, Nina, Bark Loud). Alors, attention, on est assez loin de l’agressivité d’un Pain Necessary To Know ou même d’un The Painter’s Palette. L’ambiance générale est d’ailleurs plutôt détendue, toute proportion gardée. De nombreux passages laissent une bonne tribune aux notes de guitare cristallines et bluesy, toujours teintées d’une certaine noirceur blackisante. Des éléments qui font de cet album le plus accessible d’Ephel Duath, c’est vrai, bien que j’éviterais de l’offrir à ma grand-mère.

Aussi bon soit-il et aussi concept-album soit-il - peut-être trop "pensé" - ce cinquième disque n’a pas la profondeur absolument démente des deux précédents pavés. Through My Dog’s Eyes mérite son susucre, on peut être fier de lui ("are you [really] proud of me?"), mais il ne nous poussera pas à revenir dessus outre mesure, malgré sa qualité indéniable. On préférera l’écoute des grandes sœurs ou l’attente du petit dernier.

Disponible sur spotify

Tracklist :
  1. Gift
  2. Promenade
  3. Breed
  4. Silent Door
  5. Bella Morte
  6. Nina
  7. Guardian
  8. Spider Shaped Leaves
  9. Bark Loud

mercredi 16 octobre 2013

The Brutal Deceiver - Go Die. One By One (brutal deathcore groovy à mort) [2013]

Les brutaux lavallois nous avaient déjà bien massacré les esgourdes en 2010 avec une première mise en bouche (l'EP Birth Of A Decline) brûlante, furieuse et groovy au possible. Un death/hardcore dense et expéditif plutôt inédit par chez nous.

Go Die. One By One annonce la couleur. Ce disque vous agrippe les entrailles dès l’entame de Go Die jusqu’aux dernières secondes de Legacy. Les titres s’enchaînent avec une troublante fluidité malgré une débauche de violence permanente. Les corps se démembrent aussi vite que l’esprit se congestionne. C’est la guerre. La production, assurée par Amaury Sauvé (aussi batteur du groupe), est tout simplement magistrale. Chaque détail est perceptible, ce qui encourage à creuser le bestiau malgré l'instantanéité du groove envoyé. Le death/hardcore de ces gars-là gagne en hardcore (Ghosts’ Whispers, Loneliness), chatouillant du "post" parfois (Dismember Me, Legacy), la batterie déployant ses tentacules et sa fougue, les guitares et basse développant un jeu à la fois véloce, gras et strident, où quelques grincements et fulgurances Convergiennes se distinguent (We Are Legion), tout en parvenant à poser des ambiances de fin du monde plus que convaincantes, soutenues par des voix - l’une "growlée" et l’autre hurlée/scandée - d’une intensité maladive et démoniaque. Ici, la technicité du death-metal et le sens du rythme hardcore ne font plus qu’un. A l'instar du premier long des copains coreux de Birds In Row, cet album a les arguments de destruction massive suffisants pour démolir les sous-sols ricains, et ceux du monde entier dans l’absolu. Et le Hellfest par la même occasion, tiens.

The Brutal Deceiver racle le fond de ses tripes et nous les présentent sur un plateau d'argent aux finitions détaillées. Le quintet délivre également une puissance phénoménale rarement entendue dans le paysage brutal français. Go Die. One By One est une réussite à tous les niveaux, une grosse baffe dans ta gueule qui finira vers le haut de ton top 2013, à condition que tu aies bon goût en matière de violence musicale...

Toujours en écoute intégrale sur ton webzine préféré.

Tracklist :
  1. Go Die
  2. Ghosts' Whispers
  3. Disclosed Deception
  4. I Am (My Own) Apocalypse
  5. Dismember Me
  6. IIIII I
  7. Loneliness
  8. We Are Legion
  9. JSTFU
  10. Legacy

dimanche 13 octobre 2013

Equations - Frozen Caravels (math-rock congelé) [2013]

Tiens, Equations…Ne serait-ce pas un groupe de math-rock ? Vous faites bien de poser la question car on aurait pu en douter avec un patronyme pareil. Les portugais produisent effectivement quelque chose qui ressemble à du rock mathématique, avec toutes les références qui vont bien, Don Caballero et And So I Watch You From Afar en tête.

Mais, à l’instar de notre scène française qualitativement talentueuse, les petits gars de Porto ne se contentent pas de reproduire à l’identique les schémas de leurs paires. Ils savent en effet agencer de la mélodie de haute volée, scrupuleusement, méthodiquement, dans une joyeuse vélocité, sans toutefois délaisser une fibre punk bien représentée par des vocalises suraiguës, troublantes voire rebutantes en première approche, démentes et fascinantes en seconde. Bien que congelées, les caravelles ne cessent de remuer chaudement afin de se dépêtrer de la stagnation induite au froid extrême, martelées de rythmiques concassées par une batterie virtuose, de guitares volatiles contrastées par une basse souvent massive, ou encore d’un synthé spatial appuyant le groove ambiant ou les crissements d’un chant qui nuance parfois savoureusement son hystérie scandée (The Hunter And The Oak, Coronado, Running With Scissors, Domovoi). Les Equations évoluent de temps à autres en territoire post-hardcorisé, pour mieux rebondir vers de nouvelles mélodies impromptues, toujours lumineuses d’ingéniosité. On regrettera juste la courte durée de ce premier album, bouclé comme il s'est introduit. Le final (qui n’en est pas vraiment un pour le coup) paraît cependant abrupte, plutôt frustrant.

Frozen Caravels reste néanmoins un disque novateur, prometteur, gorgé d’intelligence et d’un sens mélodique assurément génial. Doté d’une personnalité déjà fortement affirmée pour son jeune âge, il faudra désormais s'appuyer aussi sur Equations pour entretenir la machine math-rock du futur. Le compte est bon.

1 + 1 = bandcamp.

  
Tracklist :
  1. Poseidon's
  2. The Hunter And The Oak
  3. Coronado
  4. Caravels Or The Geography Of The Unknown
  5. Joseph, The Gravedigger
  6. Running With Scissors
  7. Domovoi
  8. Hero Cities Of The Soviet Union
  9. Celestial Mechanics
  10. Hulls Meet December