lundi 9 décembre 2013

Mutation - Error 500 (grindcore/noise/expérimental) [2013]

Voilà une formation qui aurait pu sortir de nulle part si ce n’est de la maison Ipecac. Oui, ce label qui propose de manière de plus en plus régulière des sorties qualitativement exponentielles, dont la plupart des adhérents s’éclate à faire fi de toute convention artistique. Error 500 du bien nommé Mutation est le dernier fruit juteux tombé de cet arbre des miracles.

Mutation est un "supergroupe", et qui dit "supergroupe" dit supers musiciens, que sont précisément Ginger Wildheart (The Wildhearts), Shane Embury (Napalm Death), Jon Poole (Cardiacs), soutenus ici par Mark E. Smith (The Fall), Merzbow, Chris Catalyst (Sisters Of Mercy) et j’en passe un régiment. Un casting bigarré, impressionnant, et surtout intriguant, pour un résultat, comment dire... jubilatoire, démentiel, brillant ? Les adjectifs ne manquent pas pour essayer de définir tant bien que mal ce croisement pas si improbable, quelque part entre Fantômas/Mr Bungle, The Dillinger Escape Plan, du grindcore, une pointe d’indus, et Queen (!?). Cela dit, chaque protagoniste et intervenant vient y mettre son grain, de style et de folie dure. La basse d’Embury balaye de son empreinte l’environnement dès les premières secondes de Bracken, en fait tout le monde semble d’accord pour cracher tout ce que chacun peut avoir en lui de maîtrise brutale et de violence heureuse. Ça se vérifie sur Utopia Syndrome, où le guilleret Wildheart chantonne “[…]I’m so happy, I’m so happy, I’m so happy, I could shit[…]”, puis White Leg et ses parties vocales qui semblent extraites d’un sketch du Monty Python. Armé de ses machines bruitistes, Merzbow vient se rajouter à la déconstruction ambiante sur Mutations, tandis que l’épileptique Computer, This Is Not What I… sera en mesure d’évoquer la schizophrénie d’un Zeus!. A signaler impérativement la batterie de Denzil (Young Legionnaire), effrayante de groove et de fulgurance, grassement mise en valeur par la production exceptionnelle de Kevin Vanbergen (Nick Cave, Biffy Clyro).

Car Error 500 n’est évidemment pas un bête disque de grindcore bas-du-front, il est avant tout une créature rythmique, mélodique, électronique, en constante métamorphose, peut-être l’équivalent musical du personnage de Tetsuo, tiré du manga et film d’animation cultes Akira. Une chose organique démesurée aux excroissances évolutives, monstrueuse mais fondamentalement humaine, augmentée d’un second degré désarmant. Comme pour l’écoute d’un Mr Bungle, celle de ce premier objet insolite de Mutation a le potentiel pour nous coller un sourire jusqu’aux oreilles, bien que ces dernières soient martyrisées, avec plaisir. Il est en effet préférable d’être un tantinet masochiste pour apprécier cet album. Par exemple la baston de cordes vocales entre Wildheart et Astick (Hawk Eyes) sur Sun Of White Leg et ses ruptures mélodiques massivement destructrices, Relentless Confliction hanté par un Smith sous acide, tout à fait psychotique, ou ce Benzo Fury presqu'entièrement programmé, entre Aphex Twin et Genghis Tron, conclusion idéale et proprement chaotique.

Bien qu’on ne ressorte pas tout à fait indemne de ce Error 500, son écoute procure l’irrésistible envie d’en découdre une seconde fois, puis une troisième, etc. L’alliance de brutalité exacerbée, de mélodies géniales et d’harmonies lumineuses et impromptues témoigne d’une efficacité hallucinante, due à un travail de composition plutôt extraordinaire, car parvenant à équilibrer et fluidifier ce joyeux bordel tout en conservant une sauvagerie extrême et permanente. Un sublime carnage qui fait de Mutation le meilleur "supergroupe" du monde, sans forcer.



Tracklist :
  1. Bracken
  2. Utopia Syndrome
  3. White Leg
  4. Protein
  5. Mutations
  6. Computer, This Is Not What I...
  7. Sun Of White Leg
  8. Relentless Confliction
  9. Innocentes In Morte
  10. Benzo Fury