jeudi 28 mars 2019

LBD, GLI F4 et cie

Le moment est trop grave pour continuer à détourner le regard, à nier ce qui est devenu une évidence caractérisée, c’est à dire le durcissement progressif d’une répression érigée aujourd’hui comme réponse unilatérale à toute contestation sociale. Bien que cette tentation de la matraque ait toujours circulé dans le sang d’un État français plus ou moins policier en fonction des époques, force est de constater que celle-ci s’est particulièrement durcie ces dernières années, notamment sous le ministère de l’intérieur puis la présidence de Nicolas Sarkozy, qui a ouvert les vannes, suivi de François Hollande et surtout l’ex-premier ministre Manuel Valls, qui a tout fait pour se rapprocher de l’extrême droite par ses mesures et postures, clarifiant aujourd’hui la chose avec la manière.



C’est clair, limpide, aujourd’hui les violences policières deviennent inédites sous Macron/Castaner, comme l’arsenal déployé, des lanceurs de balle de défense (LBD) fabriquées par l'armurier suisse Brügger & Thomet, grenades GLI F4 chargées de TNT produites par Alsetex dans la Sarthe, ou lacrymogènes modifiées pour attaquer nos visages, d’autant plus incapacitantes. Une palette d'armes expérimentée sur les différentes ZAD (NDDL et Bure notamment), lors de Nuit Debout, des manifestations contre la loi Travail et de manière constante dans les quartiers populaires, avant-gardistes en termes de violences policières. A ce jour le journaliste indépendant David Dufresne, appuyé par le collectif « Désarmons-les », a recensé 587 signalements de blessés graves dans le cadre du mouvement des gilets jaunes depuis le 4 décembre 2018. Un chiffre que l’on peut considérer comme une estimation basse, car le ministère de l’intérieur lui-même comptabilise plus de 2000 blessés chez les manifestants, contre environ 1200 dans les effectifs de la police, parfois dus à la maladresse de collègues de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) mal formés, surtout peu éclairés.

Le caractère inédit de ces chiffres interpelle autant en France qu’à l’étranger, sur les moyens employés pour faire régner « l’ordre républicain ». Le bolchevik bien connu Jacques Toubon, défenseur des droits à la LDH, a tiré plusieurs fois le signal d’alarme, tout comme l’ONU, Amnesty International ou le Conseil de l'Europe, sans que l’exécutif français ne bouge le moindre orteil, s’emmurant dans un déni absolu, lui aussi inédit. Y compris des puissances occidentales partageant la même politique économique que le gouvernement Macron/Philippe font état de leur incrédulité face à la démesure du maintien de l’ordre « à la française », alors qu’eux préfèrent pratiquer la « désescalade » plutôt que l’inverse. Ce qui devrait être suffisant pour alerter la masse, mais visiblement pas tant que ça, en tout cas pas autant qu'on pouvait l'imaginer, comme si la répression et les violences policières étaient banalisées, qu’elles étaient presque naturelles dans ce que certains appellent encore une « démocratie » libérale.


En remontant le temps on s’aperçoit en effet que la plèbe française a bien été préparée, en particulier par des médias de moins en moins indépendants, progressivement rachetés par les plus grandes fortunes du pays, utilisés par le pouvoir afin de créer le consentement, l’acceptation de restrictions toujours plus larges des libertés publiques et individuelles (sauf pour les entreprises et les grands patrons). On peut inclure dans le même ordre d’idées la banalisation du FN/RN et de l’idéologie d’extrême droite en général, à travers la succession de lois sécuritaires et liberticides adoptées soit dans la discrétion, soit dans l’indifférence globalisée.

Face à un tel constat difficile de ne pas comprendre la violence de certains manifestants, qu’il s’agisse des black blocks ou de gilets « radicalisés ». Les premiers ont l’habitude d’entreprendre des actions ciblées sur les symboles du capitalisme : banques, vitrines de grands magasins, multinationales, Fouquet’s, etc, entraînant les seconds dans leur sillage, des personnes impliquées dans le mouvement depuis le début, qui n’ont plus rien à perdre et réalisent que la violence, conscientes qu’il ne s’agit certainement pas de la stratégie idéale, est pour le moment le seul moyen de faire ne cesse que frémir un pouvoir en bout de course, déterminé à appliquer sa feuille de route mortifère, à conserver voire renforcer sa domination. Et on peut le craindre, tant qu’il n’y aura pas de contestation massive mobilisant des millions d’individus, la violence restera le seul moyen de se faire entendre un minimum, bien qu’elle soit systématiquement instrumentalisée pour étouffer la révolte. En plus d’une répression policière, politique et judiciaire absurde, validée par l’adoption de lois scélérates telles que la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui transposait les dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun, la loi relative à la protection du secret des affaires, les lois dites « fake news », « anti-casseurs » et d’autres votées par les précédents gouvernements depuis le mandat de Nicolas Sarkozy.


L’état d’urgence puisqu’on l’évoque, décrété par François Hollande après les attentats du 13 novembre 2015, malgré son apparente nécessité, a non seulement alimenté l'islamophobie, mais a également fait figure d’aubaine pour mater tout contestation à la politique en vigueur, dépassant largement son caractère antiterroriste. On en a l'éclatante confirmation aujourd’hui, et on a plus qu’à espérer que la partie « endormie » du peuple se soulève concrètement pour contribuer à renverser ce régime capitaliste autoritaire, prêt à basculer à tout instant dans le totalitarisme pour se maintenir. Qu’on puisse enfin s'occuper sans freins et en profondeur des urgences climatiques et sociales, à l’échelle aussi bien nationale que planétaire.


Liens : Communiqué commun : CGT, Ligue des droits de l’Homme, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des avocats de France, Union nationale des étudiants de France, Union nationale lycéenne

Un membre du collectif « Désarmons-les » arrêté avant les rassemblements du week-end