dimanche 8 mai 2016

Verdun - The Eternal Drift's Canticles (doom/hardcore/narration) [2016]

On était sans nouvelles concrètes de Verdun depuis 2012 et son premier EP post-apocalyptique The Cosmic Escape of Admiral Masuka, un obus doom/sludge hardcore psyché qui narrait les pérégrinations nébuleuses d’un amiral Japonais cherchant à s’extirper du marasme nucléaire qu’était devenue la Terre. Il aura fallu quatre longues années aux Montpelliérains pour donner suite à cette histoire (couchée par l’ex-chanteur, aussi responsable des artworks), dont la bande son du chapitre précédent nous avait déjà convenablement refait le portrait, sans parler des concerts épiques idoines. Mais ça y est, il est là, il est palpable The Eternal Drift’s Canticles, le premier album véritable, la continuité, et peut-être même la concrétisation de sirupeuses intentions.

La transition entre JAXA, dernier morceau du EP, et Mankind Seppuku inaugurant l’objet à base d’orgue malade, transpire d’ailleurs l’évidence. Notre amiral nippon est désormais une âme errante au milieu d’un univers moins radioactif mais d’autant plus hostile par son abstraction, par ses contours infinis. Masuka lâche ponctuellement quelques phrases dans sa langue natale, se parle à lui-même et sombre dans une folie introspective magistralement mise en musique par Verdun. Le contexte n’est plus terrien, il ne s’agit plus d’échapper à une mort certaine, mais plutôt d’accepter l’inéluctable, dans l’expression d’une dérive éternelle et solitaire.

Alors que l’aspect narratif occupait déjà une place prépondérante sur l'EP, il franchit ici un palier, accentue l’immersion de l’auditeur au cœur du néant, jusqu’à nous introduire dans l’esprit de son unique personnage, gangréné par le passé, le désespoir et quelques hallucinations sournoises (Self-Inflicted Mutalitation). L’atmosphère générale est sensiblement moins torturée, se fait d’une certaine manière plus sereine, à travers une voix alternant éructations douloureuses et clarté quasi-mystique, comme pour signifier les instants de contemplation et/ou l’absolue détresse d’un Masuka en lutte perpétuelle contre ses propres démons, en plus de l’immense inconnue qui l’entoure et le traque même au fond de ses entrailles (Dark Matter Crisis, Glowing Shadows). Bien sûr, la lourdeur abyssale de la section rythmique et les circonvolutions de guitares monstrueusement massives sachant néanmoins tailler de la mélodie moribonde dans cette épaisse couche de gras, accompagnent la progression de l’amiral jusqu’aux tréfonds du système solaire (Jupiter’s Coven), laissant l’horizon ouvert pour un Masuka qui – espérons-le – n’a pas fini d’en chier.

Verdun précise et optimise sa musique autant que son récit, intrinsèquement liés (sans omettre un visuel somptueux encore une fois), et nous implique de fait totalement au sein d’un voyage sans retour, imprégné de solitude et de violence spirituelle. The Eternal Drift’s Canticles apparaît comme le début de l’accomplissement d’une quête sans fin. Le genre d’album qui ne peut s’apprécier qu’entièrement, et pourquoi pas y ajouter l’EP au préalable. Ne reste plus qu’à rouvrir nos plaies béantes en direct.

Disponible à l'infini sur Bandcamp.


  

Tracklist :
  1. Mankind Seppuku 
  2. Self Inflicted Mutalitation
  3. Dark Matter Crisis
  4. Glowing Shadows
  5. Jupiter's Coven

vendredi 8 avril 2016

Quartier Rouge - Nouvelle Vague (noise hardcore décédé) [2012]

Nouvelle Vague, nouvelle époque, nouvelles aspirations… Mais la matière première demeure inchangée pour Quartier Rouge, soit un noise-(punk)hardcore animal et nauséeux au caractère rock n’ roll très affirmé. Les parisiens exposent toujours fièrement leurs boyaux, avec finesse et douceur cette fois-ci ("nous nous aimons tous [...]"), non sans ironie.

Ça débute à la manière d’un attentat en plein marathon, sans préavis. Du bruit, du sang Dans Leurs Draps et de la confusion. Le genre d’évènement tragique qui pousse l’Homme à faire acte de solidarité auprès de son prochain, un "mal pour un bien" quelque part, bien que l’idéal soit un "bien pour un bien". Voilà une tendance récurrente dans l’histoire de l’humanité ; réagir à contretemps et ne pas tirer de leçons du passé. C’est ce que m’inspire la seconde livraison de Quartier Rouge, transpirant un certain nihilisme joyeux, diluant quelques incursions électroniques décisives pour définir l’ambiance étrange et percutante du disque. Onlooker et Chef d’Escadrille – les 2 seuls titres dépassant allègrement les deux minutes – sont là pour développer un propos joliment brouillon, pertinent et habité alors que le reste expédie de la mandale grinçante et malfaisante à tour de bras. Un peu moins lourde et agressive que celle des Années Lumières, la période Nouvelle Vague explore une forme de psychédélisme originale par son apport électronique notamment, et la voix un poil plus en avant, toujours incroyable de maîtrise funambule. La production est de ce fait plus aérée, parvenant tout de même à donner davantage de relief au trio guitare/basse/batterie, symbiotique, étourdissant.

Un disque moins virulent donc, mais suffisamment dérangé, original et vicelard pour hypnotiser l’auditeur et lui grignoter la cervelle à son insu le long de cette (trop) petite vingtaine de minutes. Usant de sonorités synthétiques pernicieuses en guise de GHB auditif, afin d'agresser sexuellement nos convictions profondes, dans la joie et la bonne humeur.

En écoute totale sur Bandcamp.


Tracklist :
  1. Dans Leurs Draps
  2. Love's Hope In The Jim Beam Eyes
  3. Rodeo A Gogo
  4. Onlooker
  5. Piece Of Art
  6. Friend Sheep
  7. Chef d'Escadrille

dimanche 20 mars 2016

Hands Up Who Wants To Die - Buffalo buffalo buffalo Buffalo buffalo. (bruit-rock / post-punk) [2012]

Dans la pas si droite lignée des Shellac, Big’N, Hammerhead, The Ex, Fugazi et consorts, le quatuor Irlandais au patronyme qui résonne comme un appel au meurtre - voire au suicide collectif - nous embarque en effet sur des terrains salement accidentés avec son premier album, Buffalo, buffalo, buffalo, Buffalo, buffalo, un titre assez chiant à écrire que je ne mentionnerai donc qu’une seule fois dans cette chronique.

La musique des Dublinois est d’ailleurs synonyme d’inconfort, un peu comme si on restait assis pendant quarante minutes sur un accoudoir de canapé. Mais tout amateur de bruit-rock se complaira dans cette absence de confort. D’avantage lorsque tout ça est exécuté avec un feeling déroutant, et fascinant. HUWWTD ne se contente pas de répéter ses gammes noiseuses punkisantes, il s’évertue à donner une couleur, une identité à chaque titre. La voix, mi-parlée mi-scandée, bénéficie d’un timbre perçant, chargée de douleur salvatrice (Into The Forest, The Scorpion Crawls), quelque part entre Enablers et Unsane. La basse racle en permanence nos esgourdes qui en redemandent, la guitare tranchante régurgite sa crasse farcie de larsens maîtrisés, de dissonance et de grumeaux noise-hardcore (Sailor, Wompy, Why?), mais aussi de quelques notes harmoniques s’extirpant de ce grisant marasme (God of the New Age, Buggy Sandmice, Vergessen, Stopwatch). La discussion est particulièrement fluide entre chaque instrument, le batteur étant gavé d’une amplitude typiquement hardcore, allant même jusqu’à s’envoler sur l’ébouriffant final Fortunado. A signaler l’enregistrement en direct (courant dans le genre), qui donne à ce disque toute la puissance de feu qu’il mérite.

Les Irlandais frappent là où ça fait mal dès leur premier essai en long format, un tour de force déjà blindé de personnalité qui les hisse instantanément aux côtés de leurs ainés. Notez bien ce nom, au cas où ce quartet volcanique passerait près de votre lieu de vie.

En écoute tout à fait intégrale sur bandcamp.

  

Tracklist :
  1. Sailor
  2. God of the New Age
  3. Moke
  4. Into The Forest
  5. Buggy Sandmice
  6. The Scorpion Crawls
  7. Wompy
  8. Vergessen
  9. Why?
  10. Stopwatch
  11. Fortunado

mercredi 16 mars 2016

La folie selon PKD


L’auteur de science-fiction et/ou d’anticipation Philip K. Dick savait dresser le portrait de sa propre folie, en introspection perpétuelle, la tête plongée dans sa machine à écrire. La paranoïa qu’il incarnait ou illustrait souvent est en outre une forme de démence générée par la vérité d’une perception des choses, la vision "réelle" donnée par un individu, désigné de fait comme "fou". Les plus grands "malades" sont ceux qui perçoivent plusieurs vérités parallèles, plusieurs réalités. C’est ce qui ressort notamment des innombrables récits de PKD, écrits sous l’emprise d’amphétamines, ou bien en descente d’amphétamines, c’était son truc les amphétamines en tout cas. "Des acides ? Seulement une fois ou deux" affirmait-il. Un penchant pour les psychotropes qui trouvait particulièrement écho dans son roman Substance Mort (A Scanner Darkly en VO, qui aura droit à une belle adaptation filmique, mise en scène et partiellement animée par l’excellent Richard Linklater), certainement l’œuvre où il s’est le plus livré, où il a exposé ses addictions et angoisses, ses questionnements, ses visions, son état d’esprit altéré, qui nous apparaît d’une extrême justesse aujourd’hui.

Je ne me suis pas enfilé l’entièreté de l’œuvre Dickienne, il y a beaucoup trop de matière pour en faire le tour en une seule vie. Mais nul besoin de maîtriser pleinement la bête pour en capter l’essence (c’est mon adage perso, car je ne maîtrise rien pleinement), saisir tout ce que contient le magma de réflexions et de puissance narrative couchés au milieu de l’espace réduit qu’offrait son appartement californien d’Orange County. Agoraphobe et solitaire patenté, Philip K(indred). Dick laissait libre cours à sa principale addiction, l’écriture, lui permettant de voyager au-delà même des frontières inconscientes, malgré son enfermement permanent. Ses romans et nouvelles les plus complexes ou délirant-e-s (Blade Runner, Ubik, Dr Bloodmoney, Deus Irae, etc) comme les plus sombres ou intimistes (Le Maître du Haut Château, Substance Mort, etc) ont été écrit-e-s là, au sein de cette bulle intemporelle, nourrie par un esprit en mutation permanente, lui-même encouragé par la prise d’amphets, admettons. On peut en effet se questionner sur la qualité de ses rendus si les psychotropes n’avaient pas fait partie de sa vie, mais la base spirituelle était déjà en place, la drogue n’a fait qu’ouvrir certaines portes plus facilement et favoriser le rendement quantitatif. Il n’avait pas besoin de ça pour faire fructifier son imaginaire, et le nôtre à sa lecture.


Je ne remercierai jamais assez ma génitrice (coucou maman) pour m’avoir offert Le Maître du Haut Château vers mes 13-14 ans. J’ai dévoré la chose sans vraiment tout piger, mais quel pied, quelle prose, et un univers uchronique d’une effrayante crédibilité, alors qu’on nous parlait beaucoup de nazis et de seconde guerre mondiale en cours d’histoire à l’époque. L’idée de savoir ce qui aurait pu advenir du monde si l’Axe l’avait emporté sur les Alliés m’intriguait plus que fortement, et j’ai été servi au-delà de mes attentes. K. Dick a osé imaginé le pire comme le moins pire, et l’a retranscrit à merveille, impliquant le lecteur dans le récit, jusque dans la tête de ses personnages, le poussant à la réflexion et à la compréhension du contexte de cette Histoire-là, de ces Etats-Unis "partagés" entre nazis et japonais, de cette Afrique en proie à une "solution finale" chère à Hitler, et autres joyeusetés. Une immersion agréablement dérangeante, la sensation alors inédite d’un cœur qui accélérait ses battements tandis que je lisais, comme lié à ce qui arrivait aux personnages dans quelques situations de panique, d’angoisse, de stress ou de paranoïa tiens (cette Histoire est-elle bien réelle, est-elle la seule ?). 

C’était le cas également avec Substance Mort, roman plus personnel publié en 1977 et d’une importance thérapeutique pour PKD, expurgeant tous ses démons. Fred est Bob Arctor, Dick est Bob Arctor, et nous sommes aussi Bob Arctor, en pleine crise de parano aigüe, entre deux ou plusieurs mondes, au bord d’un gouffre mental permanent, accompagnés d’une éternelle "femme aux cheveux noirs" (ici prénommée Donna), représentation récurrente de sa sœur jumelle, disparue un an après leur naissance commune.

C’est sans doute le plus grand talent de PKD, au-delà de ses visions prophétiques, celui d’avoir trouvé sans l'avoir cherché un équilibre émotionnel dans son écriture, le bon dosage narratif où l’aspect technologique inhérent à la science-fiction est secondaire bien qu’il soit incroyablement réaliste. Les personnages avec toute leur complexité intérieure portent la plupart de ses ouvrages (de ceux que j’ai lu du moins), et il parvient à nous les faire incarner, à nous faire ressentir ce qu’ils ressentent, par une approche aussi bien philosophique que viscérale, questionnant notre humanité au sens large et détaillé du terme. Une réalité alternative et littéraire, un reflet temporellement variable de nos existences où tout semble réel, comme si ça avait toujours été là, à attendre sagement d’être vu, aperçu, ou même vécu.

Beaucoup de mystère entoure encore Philip K. Dick et sa folie supposée, qui dissimulait en fait un esprit libre, ultra créatif et rêveur, parfois drôle ou absurde, profondément bouleversé et bouleversant, remettant en question nos capacités cérébrales insoupçonnées. Car peut-être qu’un jour nous aussi on se rappellera du futur…

A voir en complément : le très fameux documentaire réalisé par Yann Coquart et diffusé récemment sur Arte, Les Mondes de Philip K. Dick, librement disponible sur Youtube :


A lire aussi : le tactilement très cool recueil « Substance Rêve », regroupant Le Maître du Haut Château, Glissement de temps sur Mars, Dr Bloodmoney, Les Joueurs de Titan, Simulacres et En attendant l’année dernière, édité chez Omnibus, au sein d’une collection avec deux autres recueils tout aussi recommandables.

A jouer : Californium, hommage vidéoludique à PKD, édité par Arte, disponible sur Steam pour 10 euros.

mardi 15 mars 2016

OLD // Tapetto Traci - Neurula (jazz-rock spontané) [2009]

A Tant Rêver Du Roi a la "fâcheuse" tendance à proposer des formations de qualité. Ce collectif (qui est donc aussi un label) basé à Pau, participe à la fructification de la scène française en matière de rock plus ou moins énervé en proposant des combos frais tels que Mr Protector, Tetsuo, Calva, les fameux Heliogabale, Kourgane et un bon paquet d’autres qui viennent grossir les rangs de cet effectif de premier choix.

Ici, nous nous intéresserons au cas de Tapetto Traci et son second album, Neurula. Formation pratiquant un crossover jazz-rock-noise joliment maîtrisé, l’on pourrait placer ce quartet instable quelque part entre Zu -pour l’aspect débridé de la base rythmique et les envolées abrasives d’un saxophone, tantôt fiévreux (Déraison, Neurotonic), tantôt allègrement jazzy, voire même bondissant- et Charles Mingus pour les longs mais grisants passages souvent imprévisibles dans leur structure. Ça virevolte dans tous les sens en prenant soin de garder une certaine cohérence dans les enchaînements. L’effet produit donne un sentiment de fluidité accentué par un jeu de batterie polyvalent au groove imparable, ça tape juste et grassement. La progression tout en contretemps de Le Pendule est maîtrisée de bout en bout. Le jeu de guitare et l’aspect progressif de La Danse de l’Atome étant tout simplement renversants. La basse claque sans trembler ni fatiguer. Les cuivres s’emballent, l’ensemble explose et s’insinue dans l’organisme tel un virus que l’on ne veut surtout pas éradiquer.

La suite de l’album va crescendo afin de proposer des ambiances alternées de calme à l’angoisse rampante et de montées en puissance proprement viscérales. Les deux derniers morceaux, Magbarat Alzoar et Modus Operandi en attestent à merveille, d’une longueur de quatorze minutes chacun environ, mêlant guitare sinueuse et lunatique, saxophone grave et menaçant, tapi dans l’ombre, ou alors suave et envoûtant, le tout accompagné par une rythmique parfois concassée mais toujours diablement précise et groovy. Ajoutez à tout cela un enregistrement live qui donne toute sa substance à une musique mettant généreusement en valeur la créativité et la spontanéité de musiciens géniaux.

Exactement le genre de sonorités, assez bien représentées chez nos voisins italiens par exemple, qui semble manquer à la scène rock alternative française aujourd’hui (ndlr: en 2011).

Disque en écoute intégrale et disponible en version digitale par ici.


Tracklist :
  1. Déraison
  2. Le Pendule
  3. Neurotonic
  4. La Danse de l'Atome
  5. Magbarat Alzoar
  6. Modus Operandi

mercredi 17 février 2016

Cult Leader - Lightless Walk (hardcore/crust progressif des bas-fonds de Salt Lake City) [2015]

2013 fut l’année témoin de la mort de Gaza, qui, malgré les circonstances atténuantes, nous a laissé un héritage grassouillet constitué de trois albums monolithiques, poisseux et profondément atteints d'une folie toute singulière. Folie qui a trouvé nouvel hôte en Cult Leader, soit Gaza amputé de son vocaliste controversé. La transition fut plutôt rapide car un premier EP est pondu en 2014 (Nothing For Us Here), dans la lignée de No Absolutes In Human Suffering du grand frère, le bassiste ayant pris le micro et ne se montrant de fait pas encore vraiment à l’aise à ce poste. Instrumentalement la touche des gars de Salt Lake City s’est complexifiée sans perdre en intensité, la faute à une cohésion rythmique démente et des ambiances cataclysmiques à se damner. Restait à confirmer ces nouvelles intentions sur la durée d’un album, avec pourquoi pas Kurt Ballou (Converge) aux manettes, faisons les choses bien. Et Lightless Walk se situe largement au-delà du « bien ».

L’ex-bassiste envoie autrement plus efficacement la purée sur le plan vocal, pétri de variations, guttural et maîtrisé jusqu'au bord de la rupture, une progression remarquable en deux ans, bien qu’un peu moins « possédé » que Jon Parkin. En outre on demeure toujours plus fébrile devant la maestria instrumentale déployée, au service de l’étalage de tripailles finement tranchées. Passé un Great I Am introductif, ultra véloce et mal intentionné, nous voilà agrippés dans notre chair par les breaks accidentés de The Sorrow, empreint d’une sauvagerie familière qui semble avoir franchi un nouveau palier. On se souvient des difficultés à reprendre son souffle à l’écoute des disques de Gaza, et bien c’est ce qui nous attend ici, de manière peut-être légèrement plus contenue, à travers des aberrations magnifiques telles Suffer Louder et ses riffs pachydermiques, mutants et vigoureux, à faire jaunir un Coalesce, ou l'imprévisible Broken Blades qui vient renforcer l’animalité prégnante des compositions. L’ensemble tire davantage sur le hardcore mais des moments de répit affirment leur présence, en particulier sur le mélancolique A Good Life parcouru de spoken words, et le très post-hardcore/sludge How Deep It Runs, idéalement placé avant une conclusion éponyme de sept minutes mal éclairées mais brillantes, illustration d’une exténuante marche sans destination, aux mélodies blessées, ponctuellement investies de chœurs lointains, inaccessibles.

Le fantôme de Gaza déambule toujours au milieu des ruines reconstruites par Cult Leader, mais il ne paralyse nullement les velléités créatives de ses fidèles architectes, qui semblent même resurgir encore plus forts des décombres. Lightless Walk est d’ores et déjà la pièce maîtresse d’un groupe qu’on espère voir durer longtemps. Le plus longtemps possible.

Disponible via Bandcamp


Tracklist :
  1. Great I Am
  2. The Sorrower
  3. Sympathetic
  4. Suffer Louder
  5. Broken Blades
  6. A Good Life
  7. Walking Wastelands
  8. Gutter Gods
  9. Hate Offering
  10. How Deep It Runs
  11. Lightless Walk

vendredi 12 février 2016

Manhattan-DIY - ∞ - 15 = ∞ (math-rock/chiptune/noise/post-truc) [2013]

Manhattan-DIY, qu’est-ce que c’est ? Selon les sources de nos sources, il s’agirait d’un duo en provenance de Rouen. On n’en est pas tout à fait certains car des signes troublants semblent indiquer que la mixture chiptune 8 bits / math-rock / noisy post-hardcore ici présentée provienne d'un autre monde, plus exactement d'une exo-planète peuplée d'êtres bipolaires et pixelisés.

Le premier objet non identifié qui nous est parvenu prend la forme d’une galette complète, au nom matheux, comme pour mieux brouiller les pistes, comme si les sonorités dégagées ne se suffisaient pas d’elles-mêmes. Nous voici donc en présence d’un objet plat et circulaire composé de six parties distinctes. Six chapitres d’une durée moyenne de 6 minutes chacun. Part I introduit la chose par le son très reconnaissable d’une Gameboy bidouillée. Cela nous conforte dans une certaine nostalgie geek rassurante mais passagère, la guitare bruyante et déglinguée surgissant alors que nous revivions les plus beaux instants du "Zelda" originel. La déflagration est telle que les sons huit bits en deviennent oppressants, jusqu’à nous vriller les tympans à plusieurs reprises (Part II, Part IV), se mêlant aux loops de guitares abrasives et à la voix écorchée, en instance de rupture constante, screamesque (All Parts), balbutiant divers mots en français. La batterie reste étonnamment terrienne, maniée par un humain vraisemblablement, mais ses capacités à casser les rythmiques en symbiose avec la guitare éveillent quelques soupçons.

L’ensemble demeure extrêmement construit, viscéral, parfois même planant et mystique (Part VI), dans une atmosphère à l’apparence improbable et déstructurée. ∞ - 15 = ∞ est peut-être le premier message véritablement concret venu de l’espace fort lointain, à décrypter soigneusement sur la durée cependant. Cela fait, nous retournerons observer les étoiles en attendant un second message au moins aussi consistant que le premier.

Message audible dans son intégralité sur bandcamp.


Tracklist :
  1. Part I
  2. Part II
  3. Part III
  4. Part IV
  5. Part V
  6. Part VI

samedi 6 février 2016

Zeus! - Motomonotono (noise-rock expérimental à barbes) [2015]

Le duo italien nous avait salement refait le portrait avec ses deux précédents longs, gavés ras la gueule de plans noise multiples, aussi bien investis par le metal, que le punk-hardcore (voire grindcore) ou la musique avant-gardiste. Opera était en ce sens une montagne accidentée difficile à gravir mais la persévérance permettait d’en jouir pleinement une fois au sommet. Après avoir écumé un nombre indécent de planches, Zeus! revient avec de nouvelles intentions de nous péter la gueule, poussant encore plus loin le bouchon de l’expérimentation.

Motomonotono, c’est son nom, et son visuel est une prompte illustration du combat permanent que se livrent Luca et Paolo, où les coups partent sans prévenir dans une ambiance constamment tendue et plus grasse qu’auparavant, plus homogène aussi, malgré quelques souplesses atmosphériques bienvenues mais toujours déstabilisantes, et dissonantes (le central Panta Reich, Phase Terminale). La patte du duo transpire sur chaque titre, en particulier sur les plus belliqueux (Enemy E Core, Colon Hell, Krakatoa), la batterie fait preuve d’encore plus d’assurance dans la profusion de cassures qu’elle s’emploie à étaler sur l’ensemble de l’objet, la basse n’a plus qu’à s’implanter dans ce joyeux bordel afin de créer une osmose assez dérangeante, chose particulièrement flagrante sur les tribaux et fantastiques Rococock Fight et Shifting, alors que le bien nommé Phase Terminale vient confirmer l’excellence et la fulgurance rythmique du tout puissant barbu.

On n’aurait à priori rien à redire sur ce troisième album des Italiens, hormis des longueurs dispensables et un ensemble un peu trop expérimental, délaissant parfois l’intensité pour une complexité exacerbée. Motomonotono n’en n’est pas moins un très bon album de Zeus!, pétri de passages extrêmement grisants, qui porte toutefois assez bien son nom par une certaine monotonie générale. Beaucoup de morceaux se ressemblent dans leur structure et c’est dommage lorsque l’on connaît les capacités créatives de ces deux allumés. Il est de toute manière plus que recommandé de se les farcir en direct, là où ils exposent toute l’étendue de leur talent.

Totalement disponible sur Bandcamp.


Tracklist :
  1. Enemy E Core
  2. Colon Hell
  3. Forza Bruta Ram Attack
  4. San Leather
  5. Krakatoa
  6. Panta Reich
  7. All Your Grind Is Love
  8. Rococock Fight
  9. Shifting
  10. Phase Terminale

jeudi 4 février 2016

Battles - La Di Da Di (math-rock du futur présent) [2015]

On a encore en tête les mélodies vigoureuses de Mirrored, ses rythmes pétés mais gavés de feeling, et son renouvèlement permanent, à travers des titres tels que Race In, Atlas ou Tonto, véritables pépites qui devenaient de magnifiques gourmandises une fois jouées sur scène. On se repasse encore le plus coloré Gloss Drop, bien qu’il ait subit l’amputation d’un de ses membres (Tyondai Braxton), il développait lui aussi de lumineuses idées, soutenues par des vocalistes promptement intégrés aux compositions. Mais l’heure du retour au tout instrumental a sonné pour John Stanier, Ian Williams et Dave Konopka, le nom de l’objet en question ne s’en cache d’ailleurs pas.

Une saveur de Mirrored se fait justement ressentir en ouverture avec The Yabba, empreint de nappes synthétiques, de plans accidentés, mais l’ensemble paraît plus simple à appréhender, bien que ce troisième album contienne son lot de surprises, tout en restant assez homogène. Battles expérimente ici l’aspect minimaliste de sa musique, vise à remplir les espaces en dosant ses intentions, à la recherche d’un équilibre entre complexité et immédiateté. La Di Da Di est sans doute l’album le plus dansant du groupe, des titres comme Dot Net ou Summer Simmer aguichent en ce sens pour mieux nous inciter à y retourner et y déceler de nouvelles sonorités, insondables au premier essai. On est là au cœur de la chimie Battles, mise à nu, explorant des racines africaines plus que jamais présentes, enrobées de ce voile synthétique, force et faiblesse du trio, faisant quelquefois trop disparaître la viscéralité au profit de la performance. Hormis ça, force est d’admettre que ces mecs taquinent toujours sévèrement de leurs instruments et ne sont jamais à court d’idées, preuve en sont les remuants Non-Violence et Dot Com, coulés dans le même moule qu’un Atlas, agrémentés de trouvailles sucrées, baignées dans une ambiance générale assez industrielle, voire mécanique parfois. Une certaine froideur qui donne un intéressant contraste sur les compositions rythmiquement chaleureuses, telle Flora > Fauna qu’on aurait souhaité plus longue.

Battles trace sa route, expérimente peinard, et malgré quelques agacements succincts à l’écoute de ce La Di Da Di, parvient à rester ingénieux, imprévisible et surtout cohérent. Le trio demeure nonchalamment au-dessus de la mêlée par son identité forte et une maitrise instrumentale hors-norme. Attention tout de même à ne pas trop se mordre la queue à l'avenir. 


Tracklist :
  1. The Yabba
  2. Dot Net
  3. Ff Bada
  4. Summer Simmer
  5. Cacio E Pepe
  6. Non-Violence
  7. Dot Com
  8. Tyne Wear
  9. Tricentennial
  10. Megatouch
  11. Flora > Fauna
  12. Luu Le

lundi 25 janvier 2016

Time For Energy - Waterfall EP (gros rock) [2015]

On avait découvert les nantais en 2012 avec un premier EP prometteur bien que perfectible. La mixture power rock/post-hardcore/screamo de Time For Energy souffrait de maladresses, principalement vocales, somme toute assez naturelles pour un premier jet, d’autant plus lorsqu’on entreprend de fusionner les genres.

Les bonhommes ont semble-t-il pris note des éléments à corriger sur leur second EP, Waterfall, cherchant toujours à marier groove, intensité screamo et parties post-hardcore 90’s à une certaine sensibilité pop, cette fois sans tomber dans une mièvrerie quelconque. Les quatre titres ici présents illustrent chacun un gros taf de composition, au service de l’équilibre, donnant au passage une identité plus forte à Time For Energy. Le titre éponyme – qu’on se mange direct dans le faciès – en est le parfait exemple, où le chanteur/hurleur alterne sans sourciller ses parties claires/criées, où la section rythmique casse bien la tronche, sublimée par une guitare mutante, multiple et vigoureuse. A propos de chant, malgré sa maîtrise désormais incontestable, on préfèrera les phases hurlées, autrement plus poignantes. On appréciera également la production, aérée, permettant de jouir pleinement de chaque instrument, comme cette énorme basse sur Bullet, ou Some Words, deux points culminants qui ramènent idéalement dix ans en arrière. On notera enfin la voix parlée sur Obstacle, habillé de post-rock, qui évoquera savoureusement Envy, en français dans le texte.

Time For Energy a trouvé sa voie, assez proche de celle empruntée jadis par les excellents suisses de Shovel, et c’est très cool parce qu’on en manquait cruellement par ici. Plus qu’à espérer l’arrivée prochaine d’un disque long, parce qu’un EP c’est sympa mais ça reste foutrement court, surtout quand c’est bien branlé.

Librement disponible sur Bandcamp.



Tracklist :
  1. Waterfall
  2. Bullet
  3. Some Words
  4. Obstacle

samedi 16 janvier 2016

Hellfest - Le livre [2015]

C’est fait, la dixième édition du plus grand festival français de musiques extrêmes a eu lieu en 2015, l’occasion de faire une synthèse de cette aventure engagée en début de siècle par Benjamin Barbaud, créateur et organisateur du Fury Fest puis du Hellfest, depuis son fief Clissonais.

Clisson, village médiéval imprégné d’architecture italienne, véritable ovni rural au sud-est de Nantes, et lieu plutôt insolite pour accueillir un festival de cette dimension, mais qui deviendra le cadre rêvé pour croiser quelques chevelus à l’accent viking. Et plus spacieux que la Trocardière (à Rezé) qui abritait le Fury Fest jusqu’en 2004, plus confidentiel, à la programmation orientée sur le punk et le hardcore, racines musicales de Ben Barbaud, « deux scènes où l’éthique et l’autogestion occupent une place primordiale ». Le Hellfest est né de cette envie brûlante de partager une passion commune à un paquet de mélomanes dans un pays et une région où ce type de musiques ne connaissait pas de tribune aussi large.

De l’aveu même de Phil Anselmo (chanteur de Pantera, Down et Superjoint Ritual) « ce festival a été construit et nourri par la passion et croyez-moi, ça se sent », explique-t-il dans la préface rédigée par ses soins, pétri d’enthousiasme. Pour ce grand habitué considéré aujourd’hui comme le parrain du Hellfest, rien de plus naturel. Cette préface est d’ailleurs une introduction idéale pour un objet sublime, aussi bien dans le contenu que dans l’aspect, rempli de clichés illustrant à merveille l’esprit ouvert et bon enfant d’un festival hors du commun. Œuvres photographiques signées Ronan Thenadey, présent au sein de l’enfer depuis quasiment les débuts, et trieur en chef de toutes les photos tapissant cet ouvrage. On y trouve aussi le travail du récent Evan Forget, auteur de belles images d’ambiance notamment, parmi une ribambelle de talents aux yeux acérés. Des instantanés aussi touchants qu’hilarants qui transpirent simplement la fête.

L’objet est donc grassement illustré, à travers différentes sections agencées sur plus de 330 pages, couchées sur un papier de qualité supérieure. Toute l’histoire du Hellfest, et toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la chose y sont retranscrites, artistes, bénévoles, techniciens, festivaliers, tout ce qui donne au festival son caractère massivement humain, derrière la scène, devant la scène, autour et sur scène. Un goût pour le partage et une bienveillance rares de la part du staff et au sein du public de tous horizons, dans un évènement de cette taille, d’autant plus dans une France où les grosses machines telles que le Printemps de Bourges, Les Vieilles Charrues ou Rock en Seine s’aseptisent d’année en année. Et pour ne rien gâcher, on y trouve quelques interviews de certains grands noms ayant foulé les planches du Hellfest : Judas Priest, Motörhead, Gojira, At The Gates ou encore Satyricon, en plus d’une sélection aux petits oignons de groupes représentatifs de chaque scène. Il y a assez de matière pour devenir expert sur le sujet, le tout augmenté par la plume bien faite de Lelo Jimmy Batista, rédacteur en chef de Noisey, ayant écrit pour New Noise et Tsugi entre autres.

Qui dit aventure dit anecdotes, et l’histoire du Hellfest n’en manque pas, comme celle de 2004 pour ce qui sera l’avant-dernière édition du Fury Fest au Mans (dont le visuel fut réalisé par l’excellent Derek Hess, coupable de nombreux artworks de disques hardcore/metal), celle où on a vu débarquer les poids lourds Soulfly, Fear Factory, Morbid Angel, mais aussi… Slipknot, épouvantail neo metal à 9 têtes qui a eu droit au lynchage en règle d’une bonne partie du public, équipée de bouteilles pleines d’urine, de clés à molette (et d’un lapin mort…) à balancer pour exprimer son mécontentement. Le groupe ne s’est pas démonté pour autant et a tenu bon durant 30 minutes. Si c’est pas rock n’roll ça, en tout cas bien plus que l’annulation de Korn (autre tête de proue du neo metal) pour cause de pluie quelques éditions plus tard. Sans omettre l’hommage poignant rendu au regretté Patrick Roy, seul député qui a défendu ardemment le festival et plus largement la diversité culturelle à l’Assemblée Nationale, ni de la publicité offerte par les anti-Hellfest représentés notamment par une certaine Christine Boutin, qui de fait aura droit à des t-shirts du meilleur goût à son effigie circulant dans les travées du site. Voilà un échantillon de la folie, de la prise de risques, et du bonheur suscité par l’émergence du Hellfest, profitant du soutien indéfectible d’un public d’acharnés, parfois pointu et casse-couilles, mais toujours porteur de bonnes ondes, alcoolisées ou non, assurément non-violentes. Attention au camping néanmoins si vous comptez vous y rendre, vous risquez de vous retrouver en plein duel de caddies, entre autres situations burlesques susceptibles d’assouplir vos zygomatiques.

Ce livre est une véritable encyclopédie du Hellfest, détaillant sa naissance douloureuse mais salvatrice, son réservoir de groupes/artistes (locaux et internationaux) gargantuesque, les différents courants représentés, la richesse d’une scène extrême en renouvèlement permanent, la masse de personnes ayant participé au rayonnement actuel du festival, et une multitude de détails qui font les grands évènements comme celui-ci. Avant les grassouillets remerciements, on a même droit à un bilan statistique d’une décennie d’activité, duquel on peut extraire trois chiffres pour l’exemple : 285 000 litres de bière écoulés depuis 2006 dans les gosiers de 844 000 festivaliers, comprenant pas moins de 70 nationalités. Ça calme.

Le Hellfest est devenu en quelques années une référence en termes d’évènements de grande ampleur, aussi bien en France qu’en Europe (voire mondialement), au-delà même du cercle d’initiés aux musiques extrêmes. Reste à faire perdurer son existence le plus longtemps possible tout en conservant l’éclectisme musical et l’esprit si particulier, résolument humain, qui l’habite.

L’ouvrage est édité par Hachette, pas vraiment DIY, mais il reste un magnifique cadeau bien épais à (s’)offrir à la première occasion.

Goodbye Diana - s/t (math-rock instrumental et multiple) [2015]

En France on galère à refourguer nos porte-rafales et à recueillir des réfugiés, mais on peut toutefois se targuer d’une scène (math)rock souterraine en pleine expansion depuis dix ans, et qualitativement franchement pas dégueulasse. Pneu, Room 204, Totorro, Ni, Ed Wood Jr, Vélooo et autres Papaye, induisant des labels défricheurs tels que Kythibong, A Tant Rêver Du Roi, Africantape ou Head Records, qui nous abreuvent en effet grassement en plaisirs variés sur leurs sorties respectives. Goodbye Diana est de ceux-là, de ceux qui pèsent réellement dans le paysage rock françois d’aujourd’hui, de l’instrumental multi-influencé, qui suinte l’audace et l’authenticité. Les Montpelliérains n’en sont d’ailleurs pas à leur coup d’essai, puisqu’ils reviennent après sept ans d’absence, amputés d’une branche, pour raviver la flamme d’un rock sans fards ni loi, en trio donc, et ça le fait grave.

On retrouve les ombres de June of 44, Don Caballero et Sleeping People planer sur ces nouvelles compositions, mais Goodbye Diana ne s’est jamais contenté de reproduire bêtement les choses, et c’est toujours le cas. En dehors des plans math-rock et noisy non dénués d’intelligence et de personnalité, on se prend à dodeliner sur quelques phases progressives savoureuses, basse et guitare s’entremêlant dans la grâce et la volupté, avec une souplesse édifiante. Les instruments dialoguent, s’engueulent un peu sèchement au début (Yvon de Chalon), mais s’accordent rapidement pour nous immerger dans ce qu’on pourrait appeler une narration instrumentale, l’album pouvant parfaitement servir de bande son pour une histoire plutôt déviante. La fin de l’objet, et surtout celle de Chuck Norris Is Fucked, rappelle d’ailleurs certains travaux de Mike Patton, ponctuée d’un râle inquiétant, unique voix du disque. L’ouvrage est tellement complet qu’il est tout à fait difficile d'extirper un morceau du lot, l’ensemble casse assez promptement la gueule dans le développement et l’agencement mélodique. La cohérence de la chose – évidemment enregistrée dans les conditions du direct par Serge Morattel – finit par sauter aux oreilles et l’écoute fragmentée n’est plus envisageable, bien que Le Chat Noir, Robert Fripp en Cagoule ou Herbert d’Autoroute (ces noms…) peuvent apparaître comme des points culminants, des climax d’intensité rythmique, via un duo basse/batterie en feu ; et mélodique, au travers d’une guitare aussi chercheuse et moelleuse qu’agressive.

Le retour de Goodbye Diana rajoute une pierre d’envergure à l’édifice troglodyte du rock de nos patelins (math ou non). Plus en forme et inspiré que jamais, moins dans l’urgence, on espère que le trio continuera à entretenir la flamme et que ce bien fameux deuxième album le fera davantage tourner en dehors de sa base sudiste. Comme un nouveau départ.

   
Tracklist :
  1. Yvon de Châlon
  2. Moustache - 34
  3. Le Chat Noir
  4. Gégé - 28
  5. Poilus - 72
  6. Robert Fripp en Cagoule
  7. Jean Pierre
  8. Herbert d'Autoroute
  9. Alan Biquet
  10. Chuck Norris Is Fucked