Trente ans. Cela
fait environ trente longues années (voire plus) qu’on se fait grignoter doucement mais
sûrement par « l’hégémonie du grand Capital » comme dirait un certain
Georges Abitbol, ou Karl Marx, c’est selon. Comment en est-on arrivés là, nous
peuples nés ou amenés au sein d’un des plus grands modèles de « démocratie »
au monde ? Qu’est ce qui a fait qu’on se retrouve aujourd’hui avec des
milliards de dettes accumulées sur les bras, des kilotonnes de pesticides dans
nos champs, et des grands patrons mondialisés soi-disant méritants qui s’engraissent
toujours plus chaque année, sans daigner redistribuer le moindre centime d'augmentation à ceux
et celles qui font vivre leur entreprise familiale (ou plutôt dynastie) ?
Comment a-t-on pu laisser faire cette politique mortifère qui a pu s’étendre
tranquillement à travers le monde, veillant soigneusement à étouffer toute entreprise
de révolte concrète et globale, durant tout ce temps ?
Un paquet de
questions, parmi d'autres, auxquelles on doit résolument s’efforcer de répondre avant de se réveiller
le nez dans la merde, devant le fait accompli. Nos actes manqués depuis tant d’années
ne doivent/ne peuvent pas rester en l’état, de nombreux moyens existent pour marcher à côté
du « système » ou « régime » et anticiper ou accélérer sa chute, tout en
se réappropriant certains des outils qu’il a mit naïvement à notre disposition.
Une chose est sûre néanmoins, le nombre fera la force et l’effectif des
capitalistes dirigeants sur cette planète s’amenuisera d’année en année, logique si
l’on observe un accroissement sans fin de la pauvreté mondiale.
L’opinion
publique est donc mise à l’épreuve en cette période de lente transition
politique, et la brutalité de l’arrivée éventuelle aux manettes de gugusses
fascisants est une perspective qu’on ne peut écarter tant que l’opinion sera
justement soumise aux assauts médiatiques du capitalisme (ou libéralisme, ou
néo-libéralisme, etc.). Des médias généralistes uniformes qui font tout leur
possible pour masquer, ridiculiser l’idée d’une alternative durable et cohérente à la
machinerie en place, préférant éclairer la diarrhée verbale d’un FN ou d’une
Morano inoffensifs sur le plan libéral, puisqu’ils le sont intrinsèquement,
libéraux, en faveur de la libre circulation des capitaux mais certainement pas
des personnes. La Marine carnassière se rapprocherait d’ailleurs davantage d’une
Thatcher que d’un Mussolini, bien qu’un croisement des deux en sa personne ne soit
pas improbable, loin de là, vous en conviendrez amis gauchistes. L’accession au
pouvoir d’un tel parti nous enfoncerait plus loin et plus durement vers un
totalitarisme affirmé (assumé ?), du moins en France, ce qui n’empêcherait
pas d’autres pays d’être contaminés, c’est déjà plus ou moins le cas en Europe
et Amérique du Nord. Ces formations éminemment
populistes s’appuient sur une opinion faussée car manipulée, usent et abusent
de l’ignorance ou de la confusion politique d’électeurs légitimement lassés par
le voile élitiste, volontairement imbitable, appliqué sur cette machinerie. En
ce sens l’opinion doit être en mesure de comprendre ce qu’on lui propose en
tant que personne électrice, elle doit prendre conscience que la politique est
bien plus simple à cerner qu’elle ne l’imagine. Elle doit pouvoir se préparer à
bousculer ses habitudes, ses mœurs ancrées dans un système qui nous a vu
grandir, qui nous a augmenté de besoins inutiles, qui nous a rendu accros – autant
culturellement qu’idéologiquement – à des concepts économiques virtuels, à des objectifs de vie matérialistes et absurdes (propriété privée, monospace, piscine, grosse
télé, grosse montre, joli corps dans la norme de beauté en vigueur, etc…)
dénuées de toute forme de libre-arbitre, guidées surtout par des décennies de
publicité de plus en plus intrusives, de cultures « mainstream » qui
ont alimenté nombre de fantasmes à l’américaine, de consommation aveugle et de
divertissements calibrés, imposés à grands coups de marketing huilé.
Le capitalisme,
bien qu’il soit multiple, n’aime pas la réflexion, il n’aime surtout pas que l’on
remette en cause son fondement ; engranger du profit, pour quoi, pour qui ?
Le capitalisme aime l’ordre et la répression en revanche, il aime que ses
petites mains se tuent à la tâche pour des clopinettes et en redemandent car
elles n’ont pas le choix, il aime que ces mêmes fourmis ouvrières soient muettes
et dociles, sous peine de licenciement (ou autres sanctions plus ou moins « humaines »
en fonction des lieux). Le capitalisme est une créature empirique, insidieuse
et jamais rassasiée. Son principe de base ne pouvait donner lieu qu’à cette
finalité, génératrice de conflits et de terrorisme sciemment entretenus, de quantités astronomiques de morts civiles largement évitables, d’inégalités abyssales entre les plus démunis
et les plus blindés, de gaspillage surréaliste en ressources naturelles, de pollution, maladies, corruption, etc. Le bilan de plusieurs décennies de domination capitaliste
est là, sous nos yeux, dans nos quartiers, dans nos rues, sur nos trottoirs,
dans nos lieux associatifs constamment sur la sellette, ou bien à travers le
prisme d’Internet et des réseaux sociaux, outils qui devraient sensément nous
permettre de prendre les devants, d’aiguiser notre curiosité, de nous amener à
réfléchir au-delà du cadre imposé, le genre d’outils que l’on devrait tous être
capables de s’approprier pour servir le bien commun et l’information libre.
Force est d’admettre que l’effet escompté n’est pas vraiment là, que ces outils
sont déjà investis par les organes de surveillance généralisée et qu’il devient
de plus en plus difficile de ne pas subir de censure en des lieux pourtant
fondamentalement libérés de tout carcan institutionnel, en plus de se retrouver « fiché »
en fonction des sites web visités, étiqueté en tant que consommateur de tel ou
tel produit fabriqué on ne sait où ni dans quelles conditions.
On pourrait
viser en premier lieu l’éducation des nouvelles générations, mettre en place
une forme d’éducation populaire aux médias généralisée, permettre aux plus
jeunes (et à quelques adultes volontaires) d’être capables d’analyser l’information et de la trier de manière
autonome, sans qu’ils aient besoin qu’on leur indique la marche à suivre. Des
initiatives citoyennes sont déjà prises en ce sens depuis des années, mais
elles demeurent fatalement minoritaires, et la diffusion de leur existence ne
se trouve que sur les réseaux alternatifs, ne pouvant compter quasiment que sur
le bouche-à-oreille, quelques journaux indépendants et la curiosité politique de
chacun. En voilà une démarche intéressante, qui ne peut hélas s’inscrire que dans
la durée, chose que le capitalisme, ses mutations et leur mainmise n’autorisent évidemment
pas. Un nouveau palier a été franchi, l’urgence devient alors une réalité.
Les démarches
populaires ou citoyennes de longue haleine demeurent absolument nécessaires, mais
à elles seules elles ne seront jamais en mesure de casser la machine, certes
rouillée à l’usure, mais manifestement épargnée par l’obsolescence programmée… On
peut en revanche désassembler la bête, pièce par pièce, en commençant par
revendiquer massivement notre droit au salaire à vie par exemple (cf : lire/écouter
Bernard Friot et Frédéric Lordon entre autres), quitte à foutre un beau bordel,
dans le meilleur des cas sans violences. Le genre d’idée susceptible d’en
amener d’autres, de faciliter les démarches déjà en cours, de rassembler suffisamment
large puisqu’elle concerne absolument tout le monde, de mettre enfin un pied à
l’étrier du basculement sociétal, d’une remise en cause générale, d’une ère de réflexion et d’action en faveur de ce foutu
bien commun, notre bien (culturel, politique, économique) et avant tout celui d’une
Nature envers laquelle nous aurions de sérieuses excuses à formuler.
Ces mots ne sont peut-être qu'élucubrations utopistes d'un anarchiste du dimanche à l’heure où la créature aux excroissances aberrantes
générée par le capitalisme n’en finit plus d’asseoir son
autorité sur les masses encore trop majoritairement assoupies, apeurées ou
isolées. Mais je reste convaincu que ces pistes de réflexion, ces initiatives et
actions concrètes d’anticipation d’une éventuelle chute salvatrice du dogme de
l’argent, sont essentielles, vitales, et appelées à se multiplier afin d’éviter
de devoir composer dans le chaos, ou dans le meilleur des cas de continuer à (sur)vivre
tant bien que mal dans un contexte plus que désastreux. Pour simplement ne pas se
réveiller le nez dans la merde, devant le fait accompli. Et en faire profiter le monde entier.
Et pour mieux saisir en quoi consiste le salaire à vie (selon Bernard Friot), par Usul :
+ Débat fort instructif entre Frédéric Lordon et Bernard Friot :
Et pour mieux saisir en quoi consiste le salaire à vie (selon Bernard Friot), par Usul :
+ Débat fort instructif entre Frédéric Lordon et Bernard Friot :
Bravo Tanguy pour ce papier digne d'un pro. Propose ta prose aux médias appropriés. Tu le mérites . Vas y.
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